You are currently viewing Accompagner les victimes d’incendie: au-delà du secours, un soutien essentiel

Accompagner les victimes d’incendie: au-delà du secours, un soutien essentiel

✎ Pauline Praillet, Psychologue clinicienne, Coordinatrice et formatrice au Service API – IPFASSU – Province de Liège

Un incendie ne laisse pas uniquement des traces matérielles : il bouleverse aussi profondément l’esprit de celles et ceux qui le subissent. Brutal, imprévisible, menaçant, il constitue une expérience potentiellement traumatisante. La menace vitale, la perte de contrôle, le sentiment d’impuissance, l’exposition à des scènes choquantes, les blessures physiques ou la perte de repères en sont les principaux marqueurs.

L’impact psychologique d’un incendie varie d’une personne à l’autre, en fonction de nombreux facteurs : l’intensité du sinistre, l’exposition directe au danger, les pertes humaines ou matérielles, mais aussi les ressources et le soutien dont dispose la victime.

Dans ces moments critiques, les secouristes jouent un rôle essentiel, non seulement en portant secours, mais aussi en apportant un premier soutien émotionnel déterminant.

Au-delà de l’extinction des flammes, comment les pompiers peuvent-ils accompagner les victimes sur le plan psychosocial ?

Les réactions immédiates des victimes d’incendie

Chaque personne réagit selon son vécu, sa perception du danger et ses capacités d’adaptation. Néanmoins, certaines manifestations sont fréquentes face à un stress aigu ou dépassé :

Sidération et confusion : sensation d’irréalité, difficulté à comprendre ce qui vient de se produire, état de déconnexion.

Peur et panique : angoisse extrême pour sa propre vie ou celle de ses proches, y compris ses animaux de compagnie, pouvant entraîner des crises d’angoisse.

Détresse aiguë : sentiment d’impuissance, débordement émotionnel.

Désorientation et perte de repères : incapacité à se repérer ou à répondre aux questions des personnels de secours.

Hyperréactivité émotionnelle : pleurs incontrôlables, agitation, cris ou, à l’inverse, mutisme total.

Manifestations physiques du stress : tremblements, hyperventilation, sensation d’étouffement, sueurs, douleurs thoraciques, nausées.

Une approche humaine, calme et structurée de la part des intervenants doit pouvoir prendre en compte ces réactions.

Assurer la sécurité physique tout en rassurant la victime

Une fois la sécurité physique garantie, il est essentiel d’intervenir sur le plan émotionnel. Les gestes simples, les mots justes et l’attitude des secouristes peuvent faire toute la différence.

Les attitudes à privilégier :

Se présenter et établir un contact bienveillant : « je suis pompier, vous êtes en sécurité avec nous« , « nous sommes là pour vous aider« 

Créer un climat de sécurité : adopter une posture calme et contenante, parler lentement, d’une voix posée, avec des phrases simples et courtes, donner des repères concrets (expliquer ce qui va se passer, étape par étape), éviter les gestes brusques ou les injonctions autoritaires

Atténuer l’état de choc : proposer de s’asseoir, une couverture, un verre d’eau, rétablir des repères temporels, « vous êtes sorti il y a quelques minutes« , encourager à respirer lentement

Adapter sa posture selon l’état émotionnel de la victime

  • Si la victime est en panique : parler lentement, avec des phrases courtes (« respirez avec moi… inspirez… expirez…« ), donner des repères concrets (« nous allons vous emmener à l’abri, vous n’êtes pas seule« ), ne pas la brusquer, éviter de dire « calmez-vous« , car cela peut accentuer le stress. 
  • Si la victime est en sidération (immobile, regard vide, ne réagit pas) : parler doucement, établir un contact physique léger (toucher son bras) si elle l’accepte, poser des questions simples pour la reconnecter (« comment vous appelez-vous ?« , « Avez-vous mal quelque part ?« )
  • Si la victime est en détresse émotionnelle (pleurs, tremblements, agitation) : laisser l’émotion s’exprimer sans l’interrompre, rassurer avec des messages compréhensifs (« C’est normal d’être bouleversé après ce que vous venez de vivre« ).

     

    Les premières minutes suivant un incendie sont déterminantes. Une écoute bienveillante, des paroles rassurantes et une attitude adaptée peuvent amorcer un véritable processus de reconstruction psychique.

    Le rôle humain du pompier, au-delà du secours technique, peut fortement influencer la manière dont la victime vivra et surmontera l’épreuve.

Les mots qui apaisent et ceux à éviter